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  • La rédaction

Interview isahit avec Isabelle Mashola


Devine qui est de retour en cette fin de mois d'août ? On revient avec une interview toute chaude. Isabelle nous a fait l'honneur de nous recevoir dans les bureaux d'isahit situés dans l'espace de co-working Sensespace à deux pas de la Place de la Bastille. Fondée en 2016, isahit est une plateforme d'externalisation de tâches digitales socialement responsable.

Sa fondatrice a échangé avec nous sur divers sujets comme l'engagement au travail, ses valeurs, l'Afrique et bien évidemment sur son parcours atypique !

Isabelle à son poste de travail toujours avec le sourire

WORKABLE : Bonjour Isabelle, merci de nous recevoir. On va démarrer par une question assez générale, peux-tu nous parler de toi ? Ce que tu aimes faire, ta scolarité, les endroits ou tu as grandi, ce qui t’a lancé dans la création d'isahit...

Enfin peux-tu nous expliquer ce qu’est isahit ?

ISABELLE : Je suis née à Paris et à la suite de mon bac C (équivalent bac S) j'ai enchaîné sur des études d’ingénieurs. J’ai passé toute ma carrière dans des grands groupes américains tels que Cisco et Dell, mais également chez Publicis où j’étais directrice informatique pour la région EMEA (Europe, Middle East et Africa). J’ai eu la chance de beaucoup voyager, surtout sur les continents asiatique et américain. Aux Etats Unis j’ai passé pas mal de temps au Texas et en Californie dans le cadre de mon travail.

J’ai aussi passé du temps en Europe comme en Angleterre durant mes études, en Allemagne et 6 mois en Hongrie.

J’ai pu découvrir de nombreux pays grâce à mon travail mais j’adore voyager d'un point de vue perso. Le fait de rencontrer des personnes d’autres horizons, qui ne me ressemblent pas et la confrontation au sens positif du terme sont des choses qui me tiennent à cœur. Je suis dans un mode d’apprentissage permanent. Je possède des valeurs personnelles assez fortes et plutôt marquées. D’ailleurs plus je vieillis plus cela va dans ce sens (rires). La justice, le respect, la tolérance et l’égalité sont des choses que je partage et défends. Celles-ci m’ont amenées dans des entreprises qui revendiquaient ces valeurs, même si je n’ai jamais trouvé la boite qui matchait parfaitement avec tous ces termes.

Cela m'a poussé à me lancer dans des causes plus spécifiques. En effet, durant ma carrière et encore aujourd’hui j’ai été en support de la cause féminine même si je ne me considère pas comme une féministe en tant que telle.

Selon moi le collaboratif et le partage permettent de faire de grandes choses. C'est ainsi qu'isahit a vu le jour. Notre plateforme socialement responsable donne du travail digital à des jeunes femmes sous forme de complément de revenus. Ce complément leur permet de réaliser un projet de vie (continuer leurs études, devenir entrepreneuse, rembourser un crédit …).

On se présente comme une plateforme d’intelligence humaine au service de l'intelligence artificielle (IA). En fonction de leurs compétences ces femmes choisissent sur quels projet elles souhaitent travailler.

On a constaté les 3 impacts majeurs qu'amènent isahit à ces personnes : l'autonomisation, l'éducation et la professionnalisation.

Demain le monde sera digital qu’on le veuille ou non. Si on n'a pas les codes pour être digital native c’est compliqué. Chatter sur WhatsApp ou Messenger ne fait pas de nous une personne digitale (rires). Il faut avoir les vrais codes.

Le digital est un vrai levier d’autonomie et d'indépendance.

WORKABLE : À la fin de tes études, qu’avais-tu en tête concernant ton avenir professionnel ?

ISABELLE : J’ai donc fait l’EPF, une école d’ingénieurs. À l’époque l'établissement était uniquement réservé aux femmes. Aujourd’hui c’est devenu mixte et d’ailleurs il y a une majorité de garçons ! Lorsque j’étais étudiante j’avais de bonnes facultés en maths et en langues.

En arrivant en école supérieure, je n’avais aucune vue de ce que je voulais faire à l'avenir. Cependant, je savais ce que je ne voulais pas faire. J’avais fait pas mal de petits boulots pendant l’été. Notamment dans les banques car ma mère avait des contacts dans ce milieu.

Je parlais assez bien anglais, ce qui était une réelle valeur ajoutée à l’époque. Aujourd'hui c’est devenu banal.

Après ma césure à Londres, une filiale de General Motors m’a contacté car ils ouvraient une branche en France et recherchaient des ingénieurs qui parlaient anglais. Je me suis dis pourquoi pas. C’est ce qui m’a permis d’aller aux USA.

Je suis quelqu’un qui travaille énormément et qui a soif d'apprendre des choses constamment.

À la sortie de mes études, je n’aurais jamais imaginé monter une start up, je pense que le terme n’existait même pas à l'époque (rires). Ce qui est sûr c’est qu’excepté Publicis, j’ai toujours été inspirée par des structures anglophones car la mentalité est plus positive et tout semble plus organisé. C'est une autre approche du monde du travail et je me sens plus proche de cette culture. En France on a tendance à tout miser sur les écoles et les formations réalisées.

Espace de Co-working Sensespace

WORKABLE : Isahit a donc été fondé par Philippe et toi, comment s’est faite cette association ? L’idée a-t-elle été le fruit d’un longue réflexion ?

ISABELLE : Cela faisait 6-7 ans que j’étais dans un fond de dotations qui aide des jeunes femmes entrepreneuses au Burkina et au Cameroun. On leur fournit du matériel et en contrepartie elles doivent embaucher des personnes. C’est bien de donner, mais ce qui donne un sens à la vie c’est le travail selon moi. On est donc allé chercher des personnes qui ont du talent mais pas l’opportunité de gravir certains paliers.

Je pense qu’à chaque tranche de vie on a des aspirations différentes. A 20 ans je n’étais pas la même qu'à 30 ans etc .. Ce qui est important c’est d'être en adéquation avec ce qu’on aime. Au cours de ma carrière j’ai accepté que certaines de mes valeurs personnelles soient quelque peu touchées. Cependant j’ai toujours déterminé un cercle de valeurs à respecter coûte que coûte.

Le fait est que plus on est en haut de la Tour Eiffel, plus le vent souffle fort. Je trouvais que l’entreprise avec un grand E devenait de plus en plus inhumaine. La pression des chiffres prend une part assez importante de nos jours. Je ne critique pas les grosses entreprises, j’y ai passé de nombreuses années, j’ai beaucoup appris et cela m’a formée. Mais je pense que chacun doit trouver chaussure à son pied.

J’ai toujours aimé la liberté. J’aime l’humain, sa manière de penser, de réagir etc … Lorsque on est manager c’est important si on veut gérer des équipes. J’ai une fascination pour comprendre ce qui motive chaque individu, les leviers qui les poussent à se lever chaque matin. En Juin 2016, isahit voit le jour sur un Powerpoint. Philippe et moi sommes partenaires au sein d'isahit mais également dans la vie. Philippe a créé 4 start up, il avait donc déjà un bagage dans ce milieu. J’estime avoir eu beaucoup de chance dans ma vie, on m’a tendu la main et fait confiance et je voulais le rendre.

WORKABLE : Pourquoi avoir choisi l’Afrique dans un premier temps ?

ISABELLE : Quand on crée quelque chose de disruptif on analyse le marché et son environnement. Le continent africain est en pleine effervescence, très jeune et dynamique. On lui a porté peu d’attention pendant des années même si les choses commencent à évoluer. Par le biais du fond de dotation j’ai pu me rendre là bas et y rencontrer des gens. Les infrastructures sur place sont en plein développement. La jeunesse semble également se tourner vers l'entrepreneuriat. Sans oublier la femme qui est très présente dans de nombreuses cultures. L’Afrique était donc un choix évident pour démarrer. Notre premier hub a été ouvert à Dakar au Sénégal ! Puis on s’est développé dans l’Afrique de l’Ouest dans des pays francophones pour la majorité.

On va ouvrir à Manilles aux Philippines d’ici peu. Notre projet sur 5 ans est d’ouvrir également l’Amérique Latine.

WORKABLE : Cela arrive-t-il que tu te rendes sur place pour voir comment cela se passe ?

ISABELLE : On n’y va pas assez mais on est allé à Dakar lors du lancement. En Novembre dernier on s’est également rendu à Abidjan pour rencontrer les personnes sur place. On a prévu d’aller à Madagascar pour le prochain voyage ! Le Rwanda est aussi au programme car on ouvre de nouveaux centres dans des pays anglophones. On reste en contact avec les femmes sur place tous les jours via les réseaux !

L'équipe en plein travail .(De gauche à droite) Philippe, Marion, Miaina & Séraphin

WORKABLE : Le fait d’être une femme entrepreneur et de s'engager auprès des femmes est, je l’imagine, en lien. Pourquoi s’impliquer dans cette cause plus qu’une autre ? Qu’est ce que cela représente pour toi ?

ISABELLE : L'engagement auprès des femmes je l’ai depuis longtemps en effet. J’ai une formation ingénieur et je suis triste de constater qu’en sortant de l’école il y avait entre 10% et 15% de femmes dans ce secteur, 30 ans plus tard c’est toujours le même cas. Dans les grands groupes quand on est une femme, on n'a pas beaucoup de rôle modèle, il y a le fameux plafond de verre etc … Il faut savoir que dans le monde 2 milliards de personnes vivent avec moins de 2$ par jours dont 70% de femmes. Les chiffres montrent que ce sont les femmes qui sont majoritairement pénalisées par le manque d’éducation ou d’argent. En Afrique comme ailleurs. Je tire vers plus d'égalité entre les genres.

WORKABLE : Pourquoi selon toi, dans de nombreux domaines comme celui de entrepreneuriat, la place de la femme reste relativement peu présente ?

ISABELLE : Je ne pense pas avoir la réponse mais je pense qu’il y a des réponses. C’est une sorte d’héritage provenant du passé. Il y a de nombreux pays où la femme et l’homme ne sont pas traités d'égal à égal. En commençant par nous, en France, où les droits des femmes restent assez récents. Dans les structures professionnelles on retrouve le reflet de cette société.

Sans faire de généralité j’ai l’impression qu’il y a une sorte de manque de confiance des femmes en entreprise. Cela remonte peut être à l’éducation. Je prends un exemple que j’ai vu de mes yeux. À 5:30 le chef organise un pot auquel il convie tout le monde. Un homme qui n’a pas fini son boulot va y aller et discuter avec les autres. La fille, quant à elle, va rester dans son bureau pour finir son travail. Il y a encore du travail au niveau de l’éducation, du rôle modèle.

Je fais partie d’une association qui s’appelle les femmes du numériques. L’idée est de prendre des photos de filles dans la Tech pour casser les clichés et les codes du milieu. Le message s’adresse aux collégiennes.

Il ne faut pas que la femme veuille ressembler à l’homme, il faut qu’elle reste elle-même.

Prenons un autre exemple, si demain les personnes qui alimentent les IA sont uniquement des hommes blancs. L'algorithme sera biaisé. Il va manquer de diversité. La femme apporte une diversité. Ces robots vont par la suite prendre des décisions orientées ! La diversité est donc essentielle, et je ne parle pas uniquement de l'homme et la femme, mais également d'une mixité noire, jaune, rouge, vert etc …

La bonne humeur fait aussi partie de l'équipe

WORKABLE : Aujourd’hui vous êtes une équipe d’une dizaine de personnes. On sait à quel point le recrutement a son importance, surtout au lancement d’une aventure. Lorsque tu réalises des entretiens sur quels critères t'appuies-tu ? Les valeurs véhiculées sont-elles essentielles ?

ISABELLE : Les compétences ne se suffisent pas à elles seules, il en faut, en plus des valeurs. Il faut adhérer à la cause et c'est encore plus le cas dans une start up. Cela nous est déjà arrivé de faire quelques erreurs de casting, cela fait partie du jeu.

La force d’une équipe c’est aussi sa diversité. On passe beaucoup de temps sur la partie valeur et engagement quand on rencontre un(e) futur(e) collaborateur(trice). On essaie par tous les moyens d’être transparent et d’être à la fin dans une relation gagnant gagnant. On ne va pas sur vendre l’entreprise pour recruter quelqu'un. Quand une personne nous rejoint je ne lui garantis pas que 100% des missions vont lui plaire, mais c’est une réalité. De mon côté c’est pareil, quand je fais les salaires à la fin du mois cela ne me passionne pas, mais cela doit être fait. Le recrutement n’est pas une science précise de toute manière (sourire).

WORKABLE : Pour finir, on aime laisser le mot de la fin à notre invitée. Si tu as des conseils, pour la jeune génération ou autre, c’est le moment !

ISABELLE : Le conseil que je peux donner qui a été et qui est mon moteur de vie est qu'il faut faire ce que l’on entreprend avec passion. Si on a une envie, il faut la faire et prendre parfois des risques (mesurés) dans nos décisions. Surtout quand on est jeune et qu’on n'a pas d’attache. Il faut se donner l’opportunité de faire des choses.

Un autre conseil que j'aimerais donner, même si c’est plus facile de le dire aujourd'hui qu’à mes 20 ans, c’est de voyager à travers le globe. Cela offre de la tolérance, une ouverture sur le monde. Evidemment, il y a des gens qui ont beaucoup voyagé mais qui ont mal voyagé c’est à dire qu’ils n'ont rien vu du pays en restant à l'hôtel par exemple. Mais cela nourrit une vie d’aller voir ce qui se passe ailleurs. Cela permet de prendre du recul sur sa vie. Donc voyagez, rencontrez et ayez toujours soif d’apprendre.

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